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Dominique de Villepin : « Lever la voix face au massacre perpétréà Gaza »

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Dans une tribune publiée dans Le Figaro, l'ancien premier ministre s'inquiète du silence de la France face à l'escalade de la vio­lence entre Israé­liens et Pales­ti­niens. Il appelle de ses vœux une inter­po­sition de l'ONU.

Domi­nique de Vil­lepin est avocat. Il a été ministre des Affaires étran­gères et premier ministre de Jacques Chirac.

Lever la voix face au mas­sacre qui est per­pétréà Gaza, c'est aujourd'hui, je l'écris en conscience, un devoir pour la France, une France qui est attachée indé­fec­ti­blement à l'existence et à la sécurité d'Israël mais qui ne saurait oublier les droits et devoirs qui sont conférés à Israël en sa qualité d'État constitué. Je veux dire à tous ceux qui sont tentés par la rési­gnation face à l'éternel retour de la guerre qu'il est temps de parler et d'agir. Il est temps de mesurer l'impasse d'une France alignée et si sûre du recours à la force. Pour lever le voile des men­songes, des omis­sions et des demi-​​vérités. Pour porter un espoir de chan­gement. Par mau­vaise conscience, par intérêt mal compris, par sou­mission à la voix du plus fort, la voix de la France s'est tue, celle qui faisait parler le général de Gaulle au len­demain de la guerre des Six-​​Jours, celle qui faisait parler Jacques Chirac après la deuxième intifada. Comment com­prendre aujourd'hui que la France appelle à la « retenue » quand on tue des enfants en connais­sance de cause ? Comment com­prendre que la France s'abstienne lorsqu'il s'agit d'une enquête inter­na­tionale sur les crimes de guerre commis des deux côtés ? Comment com­prendre que la pre­mière réaction de la France, par la voix de son pré­sident, soit celle du soutien sans réserve à la poli­tique de sécurité d'Israël ? Quelle impasse pour la France que cet esprit d'alignement et de soutien au recours à la force.

Je crois que seule la vérité permet l'action. Nous ne construirons pas la paix sur des men­songes. C'est pour cela que nous avons un devoir de vérité face à un conflit où chaque mot est piégé, où les pires accu­sa­tions sont instrumentalisées.

L'État israélien se condamne à des opé­ra­tions régu­lières à Gaza ou en Cis­jor­danie, cette stra­tégie ter­ri­fiante parce qu'elle condamne les Pales­ti­niens au sous-​​développement et à la souf­france, ter­ri­fiante parce qu'elle condamne Israël peu à peu à devenir un État ségré­ga­tion­niste, mili­ta­riste et autoritaire.

Ayons le courage de dire une pre­mière vérité : il n'y a pas en droit inter­na­tional de droit à la sécurité qui implique en retour un droit à l'occupation et encore moins un droit au mas­sacre. Il y a un droit à la paix qui est le même pour tous les peuples. La sécurité telle que la recherche aujourd'hui Israël se fait contre la paix et contre le peuple pales­tinien. En lieu et place de la recherche de la paix, il n'y a plus que l'engrenage de la force qui conduit à la guerre per­pé­tuelle à plus ou moins basse intensité. L'État israélien se condamne à des opé­ra­tions régu­lières à Gaza ou en Cis­jor­danie, cette stra­tégie ter­ri­fiante parce qu'elle condamne les Pales­ti­niens au sous-​​développement et à la souf­france, ter­ri­fiante parce qu'elle condamne Israël peu à peu à devenir un État ségré­ga­tion­niste, mili­ta­riste et auto­ri­taire. C'est la spirale de l'Afrique du Sud de l'apartheid avant Fre­derik De Klerk et Nelson Mandela, faite de répression vio­lente, d'iniquité et de ban­toustans humi­liants. C'est la spirale de l'Algérie fran­çaise entre putsch des généraux et OAS face au camp de la paix incarné par de Gaulle.

Il y a une deuxième véritéà dire haut et fort : il ne saurait y avoir de res­pon­sa­bilité col­lective d'un peuple pour les agis­se­ments de cer­tains. Comment oublier le profond dés­équi­libre de la situation, qui oppose non deux États, mais un peuple sans terre et sans espoir à un État poussé par la peur ? On ne peut se pré­valoir du fait que le Hamas ins­tru­men­talise les civils pour faire oublier qu'on assassine ces der­niers, d'autant moins qu'on a refusé de croire et recon­naître en 2007 que ces civils aient voté pour le Hamas, du moins pour sa branche poli­tique. Qu'on cite, outre les États-​​Unis, un seul pays au monde qui agirait de cette façon. Même si les situa­tions sont, bien sûr, dif­fé­rentes, la France est-​​elle partie en guerre en Algérie en 1995-​​1996 après les attentats financés par le GIA ? Londres a-​​t-​​elle bom­bardé l'Irlande dans les années 1970 ?

Troi­sième vérité qui brûle les lèvres et que je veux exprimer ici : oui il y a une terreur en Palestine et en

Il n'y a pas de par­te­naire en Palestine car les par­tisans de la paix ont été métho­di­quement mar­gi­na­lisés par la stra­tégie du gou­ver­nement d'Israël. La logique de force a légi­timisé hier le Hamas contre le Fatah. Elle légitime aujourd'hui les fana­tiques les plus radicaux du Hamas voire le Djihad islamique.

Cis­jor­danie, une terreur orga­nisée et métho­dique appliquée par les forces armées israé­liennes, comme en ont témoigné de nom­breux offi­ciers et soldats israé­liens écœurés par le rôle qu'on leur a fait jouer. Je ne peux accepter d'entendre que ce qui se passe en Palestine n'est pas si grave puisque ce serait pire ailleurs. Je ne peux accepter qu'on condamne un peuple entier à la peur des bom­bar­de­ments, à la puanteur des asper­sions d'« eau sale » et à la misère du blocus. Car je ne peux accepter qu'on nie qu'il y a quelque chose qui dépasse nos dif­fé­rences et qui est notre humanité commune.

Il n'y a aujourd'hui ni plan de paix, ni inter­lo­cuteur capable d'en pro­poser un. Il faut tout reprendre depuis le début. Le pro­blème de la paix, comme en Algérie entre 1958 et 1962, ce n'est pas « comment ? », c'est « qui ? ».

Il n'y a pas de par­te­naire en Palestine car les par­tisans de la paix ont été métho­di­quement mar­gi­na­lisés par la stra­tégie du gou­ver­nement d'Israël. La logique de force a légi­timisé hier le Hamas contre le Fatah. Elle légitime aujourd'hui les fana­tiques les plus radicaux du Hamas voire le Djihad isla­mique. Se passer de par­te­naire pour la paix, cela veut dire s'engager dans une logique où il n'y aurait plus que la sou­mission ou l'élimination.

Il n'y a plus de par­te­naire pour la paix en Israël car le camp de la paix a été réduit au silence et mar­gi­nalisé. Le peuple israélien est un peuple de mémoire, de fierté et de courage. Mais aujourd'hui c'est une logique folle qui s'est emparée de son État, une logique qui conduit à détruire la pos­si­bilité d'une solution à deux États, seule envi­sa­geable. La rési­gnation d'une partie du peuple israélien est aujourd'hui le prin­cipal danger. Amos Oz, Zeev Sternhell ou Elie Barnavi sont de plus en plus seuls à crier dans le désert, la voix cou­verte par le vacarme des hélicoptères.

Il n'y a plus non plus de par­te­naire sur la scène inter­na­tionale, à force de las­situde et de rési­gnation, à force de plans de paix enterrés. On s'interroge sur l'utilité du Quar­tette. On désespère de la diplo­matie du carnet de chèques de l'Europe qui se borne à payer pour recons­truire les bâti­ments pales­ti­niens qui ont été bom­bardés hier et le seront à nouveau demain, quand les États-​​Unis dépensent deux mil­liards de dollars par an pour financer les bombes qui détruisent ces bâtiments.

Face à l'absence de plan de paix, seules des mesures imposées et capables de changer la donne sont sus­cep­tibles de réveiller les par­te­naires de leur torpeur. C'est au premier chef la res­pon­sa­bilité de la France.

Le deuxième outil, c'est la justice inter­na­tionale. L'urgence aujourd'hui, c'est d'empêcher que des crimes de guerre soient commis. Pour cela, il est temps de donner droit aux demandes pales­ti­niennes d'adhérer à la Cour pénale inter­na­tionale, qui demeure aujourd'hui le meilleur garant de la loi internationale.

Le premier outil pour réveiller la société israé­lienne, ce sont les sanc­tions. Il faut la placer devant ses res­pon­sa­bi­lités his­to­riques avant qu'il ne soit trop tard, tout par­ti­cu­liè­rement à l'heure où il est question d'une opé­ration ter­restre de grande envergure à Gaza. Cela passe par un vote par le Conseil de sécurité de l'ONU d'une réso­lution condamnant l'action d'Israël, son non-​​respect des réso­lu­tions anté­rieures et son non-​​respect du droit huma­ni­taire et du droit de la guerre. Cela signifie concrè­tement d'assumer des sanc­tions éco­no­miques ciblées et gra­duées, notamment pour des acti­vités direc­tement liées aux opé­ra­tions à Gaza ou aux acti­vités éco­no­miques dans les colonies. Je ne crois guère aux sanc­tions face à des États auto­ri­taires qu'elles ren­forcent. Elles peuvent être utiles dans une société démo­cra­tique qui doit être mise face aux réalités.

Le deuxième outil, c'est la justice inter­na­tionale. L'urgence aujourd'hui, c'est d'empêcher que des crimes de guerre soient commis. Pour cela, il est temps de donner droit aux demandes pales­ti­niennes d'adhérer à la Cour pénale inter­na­tionale, qui demeure aujourd'hui le meilleur garant de la loi inter­na­tionale. C'est une manière de mettre les Ter­ri­toires pales­ti­niens sous pro­tection internationale.

Le troi­sième outil à la dis­po­sition de la com­mu­nauté inter­na­tionale, c'est l'interposition. À défaut de pouvoir négocier une solution, il faut l'imposer par la mise sous mandat de l'ONU de Gaza, de la Cis­jor­danie et de Jéru­salem Est, avec une admi­nis­tration et une force de paix inter­na­tio­nales. Cette admi­nis­tration serait soumise à de grands périls, du côté de tous les extré­mistes, nous le savons, mais la paix exige des sacri­fices. Elle aurait vocation à redresser l'économie et la société sur ces ter­ri­toires par un plan d'aide signi­fi­catif et par la pro­tection des civils. Elle aurait éga­lement pour but de renouer le dia­logue inter­pa­les­tinien et de garantir des élec­tions libres sur l'ensemble de ces ter­ri­toires. Forte de ces résultats, elle appuierait des pour­parlers de paix avec Israël en en traçant les grandes lignes.

Nous n'avons pas le droit de nous résigner à la guerre per­pé­tuelle. Parce qu'elle conti­nuera de conta­miner toute la région. Parce que son poison ne cessera de briser l'espoir même d'un ordre mondial. Une seule injustice tolérée suffit à remettre en cause l'idée même de la justice.


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