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« Ne confondez pas le réa­lisme pales­tinien avec la rési­gnation » Afif Safieh, Ambas­sadeur iti­nérant de l'Autorité palestinienne

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« Ne confondez pas le réalisme palestinien avec la résignation »

« En acceptant la recon­nais­sance mutuelle avec Israël, le peuple pales­tinien a été dérai­son­na­blement rai­son­nable. Il a accepté de renoncer à une justice absolue pour une justice pos­sible. Cela accroit la res­pon­sa­bilité de la com­mu­nauté inter­na­tionale de trouver une issue. Aujourd'hui, il faut constater que le pro­cessus de paix enclenché en 1991 à Madrid et en 1993 à Oslo est arrivé au bout du chemin. Il a été trop vite laissé aux seuls bel­li­gé­rants. Ces années de paix théo­rique ont permis l'expansion de l'occupation israé­lienne. La guerre et la paix sont des ques­tions trop impor­tantes pour être laissées aux acteurs locaux ».

Afif Safieh est considéré comme l'un des meilleurs diplo­mates pales­ti­niens. Actif depuis les années 70, il a été en poste auprès de l'ONU à Genève, aux Pays-​​Bas, à Londres, au Saint-​​Siège, à Washington et à Moscou. Aujourd'hui ambas­sadeur iti­nérant chargé des mis­sions spé­ciales, il occupe en outre le poste de com­mis­saire adjoint de la direction des affaires inter­na­tio­nales du Fatah, le prin­cipal mou­vement de l'Organisation de libé­ration de la Palestine (OLP). Invité à Paris par le réseau Chré­tiens de la Médi­ter­ranée, il est intervenu ven­dredi soir lors d'une confé­rence au Sénat et dans la matinée au Centre d'accueil de la presse étrangère.

« La Palestine ressuscitera un jour »

« Un ter­ri­toire qui a été conquis en six jours peut être res­titué en six jours – pour que le 7° jour, on puisse se reposer« , assure Afif Safieh qui estime que « seuls les opti­mistes font l'Histoire« . « Moi, en tant que chrétien, je suis tou­jours resté confiant dans le fait que la Palestine res­sus­citera un jour« .

Au-​​delà de la boutade, ce sexa­gé­naire brosse une stra­tégie. « Je suis pour une paix sans négo­ciation« , explique-​​t-​​il. « La négo­ciation, on l'a essayé depuis vingt ans. Cela ne marche pas. Israël recherche l'inscription dans la géo­graphie de sa domi­nation mili­taire écra­sante« . Ce serait donc à la com­mu­nauté inter­na­tionale, et en par­ti­culier aux États-​​Unis, d'imposer la paix.

« Sharon pensait gagner 30 ans en se délestant de la bande de Gaza »

« Les gou­ver­ne­ments sio­nistes conti­nuent à vouloir s'emparer d'un maximum de ter­ri­toires avec un minimum de popu­lation pales­ti­nienne« , poursuit cet ancien étudiant de Sciences-​​Po Paris, où il se sou­vient des cours de Maurice Duverger ou d'Alfred Grosser. « C'est comme cela que s'explique le retrait uni­la­téral de la bande de Gaza décidée par Ariel Sharon. Crai­gnant la menace démo­gra­phique pales­ti­nienne, il pensait gagner 30 ans en délestant son pays d'1,5 million d'habitants. Aujourd'hui, Ehoud Barak a la même idée en tête en pro­posant un retrait uni­la­térale de 50% de la Cisjordanie« .

« La sécurité d'Israël ne viendra pas de sa stratégie territoriale »

« Je suis très déçu par la société israé­lienne qui doit com­prendre que sa sécurité ne viendra pas de sa stra­tégie ter­ri­to­riale mais de son accep­tation par les pays de la région, dont les Pales­ti­niens ont la clé« , insiste le diplomate. « L'impasse aujourd'hui, ce n'est pas un refus arabe d'Israël, c'est le refus par Israël de l'acceptation arabe qui s'est mani­festée par l'initiative de paix de la Ligue arabe en 2002« .

« Non à un processus de négociation prolongé »

« Aujourd'hui, je dit « non » à un pro­cessus de négo­ciation pro­longé« , martèle Afif Safieh. « Tout a déjà dit. On ne peut pas mieux dire. Les chan­cel­leries connaissent les solu­tions, le contenu, les contours de la paix. Du côté pales­tinien, le consensus s'est forgé en faveur d'une action popu­laire non vio­lente contre le statu quo. La récon­ci­liation inter­pa­les­ti­nienne est à la veille de se concré­tiser. Et nous allons de nouveau sou­mettre la question à la com­mu­nauté internationale« .

Une stratégie à l'ONU

« A l'ONU, la stra­tégie que je conseille est de découpler une démarche pour la recon­nais­sance de la nécessité et de la réalité d'un État pales­tinien, d'un vote sur l'admission de la Palestine comme membre à part entière des Nations-​​Unies », argu­mente ce natif de Jéru­salem. « Un vote sur l'admission nécessite en effet une réso­lution du conseil de sécurité – où les États-​​Unis ont menacé d'utiliser leur droit de veto. En revanche, à l'assemblée générale, on aurait une majorité écra­sante pour affirmer le caractère néces­saire d'un État Pales­tinien et recon­naitre qu'il s'incarne déjà« .

« Après l'élection américaine du 6 novembre »

« Cette démarche pourrait se dérouler le 29 novembre pro­chain, date de la Journée inter­na­tionale de soli­darité avec le peuple pales­tinien, ins­tituée dans les années 70 par l'ONU« , suggère Afif Safieh. « Ce sera en outre après l'élection pré­si­den­tielle amé­ri­caine du 6 novembre et le nouveau loca­taire de la Maison Blanche sera libéré de la terreur que peut ins­pirer le lobby israélien à Washington en période électorale« .

« La pression de l'opinion publique est forte »

Afif Safieh juge la période d'antant plus propice que les deux grands partis rivaux pales­ti­niens, le Fatah et le Hamas, sont, selon lui, tout proche d'un accord de récon­ci­liation. « Du côté du Hamas, les fac­teurs de matu­ration sont mul­tiples », analyse ce cadre du Fatah. « D'une part, Damas, où se trouvait sa direction en exil, est devenue une capitale très incon­for­table car le régime comme l'opposition syrienne attendait son soutien. D'autre part, au Caire, l'islam poli­tique égyptien ne s'est pas aligné sur ses « frères » du Hamas mais a prag­ma­ti­quement adopté une position réa­liste à notre égard. Enfin, la pression de l'opinion publique pales­ti­nienne est très forte. Selon les son­dages, le Fatah a plus de 40% des inten­tions de vote dans l'électorat pales­tinien et le Hamas moins de 20%« .

« La ligne réaliste l'a emporté au sein du Hamas »

« Le dilemme du Hamas, c'est de devoir choisir entre avoir le monopole du pouvoir à Gaza ou par­tager le pouvoir, en situation de par­te­naire mino­ri­taire, sur tout le ter­ri­toire pales­tinien« , assène Afif Safieh. « Le réa­lisme poli­tique défendu par Khaled Mechaal a payé. Il y a eu des élec­tions internes au Hamas à Gaza et c'est sa ligne qui l'a emporté. »

« Le peuple décidera des forces en présence »

« L'accord se concré­tisera d'abord par les travaux d'une com­mission élec­torale indé­pen­dante chargée de réac­tua­liser les listes élec­to­rales dans la bande de Gaza, ce qui n'a pas été fait depuis 2005-​​2006. Vu la crois­sance démo­gra­phique, on estime qu'il devrait y avoir 200.000 élec­teurs sup­plé­men­taires« , explique-​​t-​​il. « Après cinq ou six semaines, sera annoncé un gou­ver­nement de tech­no­crates dirigé par le pré­sident de l'Autorité pales­ti­nienne Mahmoud Abbas. Puis dans un délai de 6 à 9 mois se tien­dront des élec­tions pré­si­den­tielle, légis­la­tives et muni­ci­pales. C'est donc le peuple qui décidera des forces en présence« .

« Jérusalem doit être la capitale de deux États »

De passage à Paris, Afif Safieh glisse aussi un souhait : qu'un jumelage soit bientôt for­malisé entre la capitale fran­çaise et Jérusalem-​​Est. « Le consensus inter­na­tional est que Jérusalem-​​Est appar­tient aux Ter­ri­toires occupés pales­ti­niens et que son annexion par Israël est nulle et non avenue« , rap­pelle le diplomate. « Jéru­salem doit être la capitale de deux États et une ville indi­visée où chaque site reli­gieux sera gérée par sa communauté« .

« La Jérusalem arabe est déjà jumelée avec 44 villes du monde »

« L'Union euro­péenne vient de décider de favo­riser la réins­tal­lation des ins­ti­tu­tions poli­tiques pales­ti­niennes à Jérusalem-​​Est« , conclut-​​il. « Or un nouveau conseil muni­cipal vient d'y être réuni autour de deux sur­vi­vants de l'assemblée en fonction lors de la guerre de 1967. La Jéru­salem arabe est déjà jumelée avec 44 villes du monde, dont Istanbul, Dakar ou Mar­rakech. On espère des jume­lages en Europe, notamment bien sûr avec Paris".

Ven­dredi 1° juin, au Centre d'accueil de la presse étrangère http://​paris​-planete​.blogs​.la​-croix​.com


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