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Le processus de paix est mort. Vive le processus de paix !

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Vingt ans plus tard, le pro­cessus de paix israélo-​​palestinien est au point mort et la solution à deux Etats reste une chimère. Pales­ti­niens et Israé­liens ont depuis long­temps perdu espoir. Les média­teurs inter­na­tionaux, aux prises avec le pro­gramme nucléaire iranien, la pré­si­den­tielle amé­ri­caine, la crise finan­cière euro­péenne et les sou­lè­ve­ments arabes, pour­suivent leurs efforts sans énergie ni enthousiasme.

Tou­tefois, le statu quo diplo­ma­tique constitue l'occasion de repenser un pro­cessus qui a perdu toute cré­di­bilité. Ceci implique notamment de répondre aux ques­tions impor­tantes long­temps ignorées ; de réin­tégrer les acteurs autrefois mar­gi­na­lisés ; de déve­lopper une stra­tégie pales­ti­nienne commune ; et de réformer ou rem­placer le Quartet par un moyen de médiation plus efficace.

Ces chan­ge­ments ne seront pas évidents. Le pro­cessus initié en 1993 à Oslo est devenu un alibi pour servir les intérêts de chacun, parmi les­quels la paix n'a plus vraiment sa place. La pour­suite des négo­cia­tions permet à Israël de détourner les cri­tiques inter­na­tio­nales et à Washington de tenter de répondre aux demandes pales­ti­niennes pour com­penser son affinité avec Israël. L'Union euro­péenne, la Russie et le secré­taire général de l'ONU, quant à eux, obtiennent un siège à une des tables diplo­ma­tiques les plus prisées au monde. Alors que les Pales­ti­niens sont les prin­ci­pales vic­times de l'immobilisme, l'Autorité pales­ti­nienne, quant à elle, risque de s'effondrer si la mort du pro­cessus de paix, maintenu en vie arti­fi­ciel­lement, venait à être déclarée.

La peur du vide poli­tique, qui serait inévi­ta­blement marqué par le désespoir et le chaos, jus­tifie la survie illu­soire du pro­cessus de paix. Rai­son­nement étrange alors que celui-​​ci manque cruel­lement de cré­di­bilité. Tout aussi infondée est la peur de voir des vio­lences éclater alors même que l'espoir de voir les négo­cia­tions aboutir à une solution équi­table a disparu. S'accrocher à ces illu­sions ne fait qu'éloigner les pers­pec­tives de véri­tables négociations.

Il faut aujourd'hui prendre le recul néces­saire pour établir une stra­tégie plus cohé­rente, et saisir l'opportunité de repenser le pro­cessus lui-​​même. L'échec des négo­cia­tions n'est le résultat ni d'un concours de cir­cons­tances, ni d'une mau­vaise appli­cation d'une stra­tégie bien fondée. Une véri­table réforme du pro­cessus de paix pourrait per­mettre de traiter les pro­blèmes fon­da­mentaux qui datent non seulement de la guerre de 1967 - l'occupation de la Cis­jor­danie et de Gaza - mais également de l'établissement d'Israël et du dépla­cement forcé d'une vaste majorité de la popu­lation pales­ti­nienne. La question de la nature de l'Etat d'Israël doit être évoquée, ainsi que le droit au retour des réfugiés pales­ti­niens. La place pré­pon­dé­rante de la religion dans le débat poli­tique et ses impli­ca­tions pour les efforts de paix doivent également être prises en compte.

Les négo­cia­tions doivent inclure tous les acteurs, y compris ceux qui ont été mar­gi­na­lisés ou sous-​​représentés pendant des décennies, du côté israélien - la droite natio­na­liste et reli­gieuse - comme pales­tinien - les isla­mistes, la dia­spora et les citoyens pales­ti­niens d'Israël. Intégrer ces groupes au dia­logue de manière constructive est néces­saire, même si cela repré­sente un défi considérable.

Le mou­vement national pales­tinien doit, en parallèle, se doter d'une stra­tégie unifiée et cohé­rente. Sa direction, bien qu'elle ait tenté à maintes reprises de sur­monter le marasme poli­tique, appré­hende l'adoption d'une nou­velle approche. Cette réserve a non seulement terni sa cré­di­bilité, mais a aussi fait perdre patience à la com­mu­nauté inter­na­tionale. La récon­ci­liation entre le Hamas et le Fatah est une condition sine qua non de la mise en place d'une stra­tégie efficace. Un véri­table débat doit répondre à plu­sieurs ques­tions fon­da­men­tales : une inter­na­tio­na­li­sation poten­tielle du pro­blème auprès d'institutions comme l'ONU, une éven­tuelle refonte de l'Autorité pales­ti­nienne, et la pos­si­bilité d'une résis­tance popu­laire paci­fique et efficace - si tant est que les Pales­ti­niens sont prêts à en payer le prix.

Le rôle du Quartet dans la région, dont les réa­li­sa­tions depuis sa création en 2002 restent floues, doit être examiné minu­tieu­sement. L'échec du pro­cessus de paix signe sa défaite. Encouragé par l'exemple amé­ricain, il a souvent choisi la voie de la facilité, créant ainsi l'illusion d'une poli­tique commune. Le rôle du secré­taire général de l'ONU prête à confusion puisqu'une majorité des Etats membres des Nations unies s'opposent à de nom­breuses posi­tions du Quartet. Ce dernier doit être sup­primé ou com­plè­tement restructuré, par exemple en y invitant des puis­sances émer­gentes comme le Brésil ou la Turquie, ainsi que des Etats arabes.

Quelle que soit la pro­chaine étape, il est clair qu'aucune des parties concernées, au niveau régional ou inter­na­tional, n'a fait preuve d'honnêteté quant à ses convic­tions. Le premier pas pour se défaire de cette addiction à un pro­cessus de paix vain sera de se rendre à l'évidence, et de dire enfin tout haut ce que tout le monde pense déjà tout bas : le pro­cessus de paix est mort.

Publié par Le Monde


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