C'est une première depuis cinq ans et la partition du territoire palestinien en deux entités dirigées par deux autorités rivales : un chef d'Etat étranger s'est rendu en visite officielle dans la bande de Gaza. Hier mardi 23 octobre, l'émir du Qatar cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani a été reçu par Ismaïl Haniyeh, chef du gouvernement local du Hamas. Ce dernier a annoncé que son invité allait octroyer une aide à Gaza, sous forme d'investissement, de 400 millions de dollars. Une somme considérable qui va bien sûr au-delà du simple geste humanitaire : c'est le territoire administré par le Hamas, toujours classé comme une organisation terroriste par les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël, qui en bénéficie et non la Cisjordanie tenue par l'Autorité nationale palestinienne que les mêmes considèrent comme l'unique « partenaire légitime » pour la paix.
Probablement faut-il d'abord y voir la volonté de séduire l'opinion régionale. Le blocus imposé à la bande de Gaza reste le symbole de la domination de l'axe Washington-Tel Aviv (et dans une moindre mesure Bruxelles) dans la région et du deux poids deux mesures qui y règne. En venant en aide à cette population, le Qatar prend et assume une place gratifiante, du côté de la victime. Et le faisant en finançant des projets de reconstruction et de développement des infrastructures, il fait coup double : son intervention n'apparaît pas trop politique de prime abord et l'importance de la somme mise en jeu lui assure un faible niveau de remontrance des puissances, pas malheureuses qu'on paye à leur place. En sous-texte, il n'est pas non plus interdit de penser que, à l'heure où le Hezbollah libanais (chiite) est renvoyé à sa proximité avec le régime syrien honni, dont le Qatar arme les opposants, l'Emir veut aussi marquer sa préférence pour une autre organisation de résistance à l'occupation, sunnite qui plus est ce qui ne gâte rien. Reste que du côté de Ramallah, tout en remerciant du geste, on s'est inquiété de cette irruption qatarie sur la scène politique nationale perçue comme un facteur de division.
Jeudi, quatre jours avant la venue de l'Emir, Gaza avait accueilli un autre hôte de marque, moins prolixe en chèque, certes, mais au message un peu plus lisible. Il s'agit de l'intellectuel américain Noam Chomsky, 83 ans, qui lors de sa première visite sur place a souhaité « la fin du blocus israélien de la bande de Gaza ». Arrivé par l'Egypte et présent sur place avec dix autres universitaires pour participer à une conférence sur la linguistique à l'Université islamique de Gaza, Noam Chomsky a rappelé à cette occasion que « le peuple palestinien a le droit de vivre en paix et de façon libre », y compris dans un territoire administré par une force politique qui n'a pas l'heur de convenir aux alliés d'Israël.
En attendant que soit exaucé le vœux de Noam Chomsky et que pleuvent les pétrodollars de son généreux donateur du Golfe, la bande de Gaza reste sous blocus israélien. Un peu moins d'un an et demi après le Dignité-Karama (flotille de la liberté - printemps 2011), un nouveau bateau où se trouvaient des civils internationaux souhaitant témoigner de leur solidarité avec les habitants de la bande de Gaza a été arraisonné par l'armée israélienne au large du territoire palestinien. Cela s'est passé samedi 20 octobre au matin alors que le bateau, battant pavillon finlandais et transportant de l'aide humanitaire, se trouvait à environ 35 miles de la côte gazaouie, dans les eaux internationales.
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