Selon le Département des Affaires de Jérusalem de l'OLP, la construction d'un bâtiment de sept étages vient d‘être annoncée par la Municipalité de Jérusalem [1] sur le site de ce qui est communément appelé« le Parking Givati » dans le quartier de Silwan à Jérusalem Est, annexé par l'état d'Israël, à l'aplomb de la mosquée d'Al-Aqsa. Silwan sera alors séparé de la Vieille Ville.
- Les fouilles dans le « Parking Givati ». En arrière plan, les murs de la Vieille Ville et la mosquée d'Al-Aqsa.
Silwan, un quartier palestinien de Jérusalem Est, situé sous les murailles de la vieille ville, à quelques dizaines de mètres de la Porte des Détritus, du Mur des Lamentations, et de la mosquée Al-Aqsa, est depuis des années l'objet de la convoitise des colons israéliens ultra-religieux, regroupés dans des associations puissantes et riches, telles Elad ou Ateret Cohanim par exemple, qui veulent en faire une nouvelle colonie dans la continuité de la vieille ville juive après en avoir chassé ses habitants palestiniens.
Les moyens utilisés pour déloger les résidents palestiniens sont souvent l'application de la loi « des absents » (selon cette loi promulguée en 1950, un propriétaire absent plus de trois ans, même contre sa volonté, voit ses biens devenir « propriété d'état » israélienne), ou la production de faux documents de propriété ou d'acquisition. De nombreuses maisons de Silwan sont passées ainsi aux mains des colons, et sont maintenant protégées par des milices privées armées et l'armée israélienne.
Un autre moyen utilisé depuis plusieurs décennies par les colons est le recours aux fouilles archéologiques dans ces zones où l'on ne peut pas donner un coup de pioche sans tomber sur les vestiges des populations qui se sont succédées là depuis des millénaires. Il est facile pour les associations de colons d'obtenir l'expropriation, au nom de fouilles à mener, des parcelles sur lesquelles elles ont des visées. En particulier les jardins publics, parkings et autres lieux publics palestiniens.
A Silwan encore plus qu'ailleurs, l'archéologie a été instrumentalisée à des fins politiques :
elle permet le transfert de propriété de terrains sur lesquels, après des années de fouilles, menées par l'association de colons Elad (l'Autorité des antiquités israélienne lui sous-traite les fouilles à Jérusalem-Est) sont construits des musées et des bâtiments célébrant le passé juif du lieu, et gérés par Elad. De vastes zones de Silwan ont ainsi été confisquées au bénéfice des colons, comme par exemple la « cité de David », maintenant un haut-lieu du tourisme à Jérusalem.
l'épaisseur, plusieurs dizaines de mètres, des couches archéologiques à fouiller, permet de préparer incognito les fondations pour des bâtiments à venir, et pour lesquels aucun permis de construire n'a encore été déposé
en valorisant essentiellement, parmi les vestiges de toutes les époques (de l'époque ottomane à plusieurs siècles avant notre ère) atteints successivement au cours des fouilles, les trouvailles considérées comme datant de l'époque du Deuxième Temple, les Israéliens essaient d'accréditer l'idée d'une souveraineté juive immémoriale à Jérusalem Est, qui justifierait son annexion et sa colonisation.
Le « parking Givati », propriété de la famille Syam de Silwan, était jusqu'en 2003 un espace ouvert où se retrouvaient les habitants de Silwan et où les enfants pouvaient venir jouer. Etant situé face à la « Cité de David », déjà colonisée, et à20 mètres du mur d'enceinte de la Vieille Ville du côté du quartier juif, il était idéalement placé pour assurer une continuité territoriale juive pouvant séparer le quartier de Silwan de la Vieille Ville à laquelle il est naturellement rattaché.
L'association Elad y a commencé en 2003 des fouilles sauvages, officialisées en 2007. Dans la dizaine de mètres de couches archéologiques ont été trouvés des pièces d'or byzantines, des vestiges de résidence de l'époque abassyde, les fondations de structures byzantines et romaines, mais surtout ce qui est interprété comme des vestiges de la destruction du deuxième temple et du palais de la reine, convertie au judaïsme il y a 2000 ans, Hélène d'Adiabene. Par contre, des dizaines de squelettes et ossements datant du début de la période islamique ont mystérieusement « disparu » du chantier.
Pendant 5 ans supplémentaires,
les terrassements sur plus de 10 mètres de profondeur ont préparé les infrastructures et les fondations pour la construction d'un bâtiment dès l'obtention du permis de construire
les autorités israéliennes et les colons ont utilisé la couverture des fouilles (avec publications d'articles scientifiques) pour cacher auprès du public les préparatifs pour la création d'une nouvelle colonie juive dans un quartier arabe de Jérusalem Est
les découvertes archéologiques faites sur le chantier ont non seulement détourné toute opposition éventuelle, mais elles ont attiré la sympathie du public envers les fouilles [2]
A l'issue de ces 5 ans, en février 2012, la construction d'un bâtiment de quatre étages et de 9000 m2 sur une partie de l'excavation a commencéàêtre évoqué [3], comprenant entre autres un centre d'accueil des visiteurs, un musée, une cafétéria, le tout dans des jardins sur le reste du site.
D'après le Département des Affaires de Jérusalem de l'OLP, le Comité de construction et de planification du District de Jérusalem vient tout récemment d'accepter un projet (n°13542) encore plus dramatique pour l'identité palestinienne de Silwan et de la Vieille Ville de Jérusalem [4] : un bâtiment de sept étages et de plus de 10000 m2 modifierait complètement le paysage en cachant la vue de la mosquée d'Al-Aqsa (voir photo), alors que des cheminements dans les jardins permettraient de relier physiquement la Cité de David, le projet du parking Givati et un autre bâtiment de trois étages au moins sur 3700 m2, appelé Beit Haliba, projetéà l'extrémité ouest de l'esplanade du mur des Lamentations, face à la mosquée d'Al-Aqsa [5].
Cet ensemble couperait alors définitivement ce qui reste du Silwan palestinien de la Vieille Ville de Jérusalem, et effacerait la mosquée d'Al-Aqsa d'un paysage « judéïsé».
AFPS/RP