Note : l'auteur de cet article attire l'attention sur la dérive suicidaire à laquelle se livre le gouvernement israélien qui a confié tous les postes clés à des colons ou à des partisans du mouvement des colons. Il utilise néanmoins les termes de ces derniers « Judée et Samarie » pour désigner la Cisjordanie occupée qui inclut Jérusalem-Est et dont tout le territoire fait partie intégrale de l'Etat de Palestine.
Les nouvelles constructions en Judée et Samarie se poursuivent au rythme le plus élevé depuis sept ans. Si cela continue, le gouvernement Netanyahu-Lapid-Bennett mettra un terme à la solution à deux Etats, à l'entité juive et démocratique et au rêve sioniste.
Peu de citoyens ont prêté attention à l'information selon laquelle la construction de 865 logements dans les colonies avait démarré au cours du premier trimestre 2013, ce qui représente une augmentation de 176 % par rapport au même trimestre de l'an dernier et de 355 % par rapport au quatrième trimestre 2012. Alors que les colons ne représentent que 4 % de la population israélienne, 8,5 % des mises en chantier survenues depuis le début de l'année sont concentrées dans les colonies. Et même si les perspectives du secteur de la construction apparaissent moins bonnes à l'intérieur des frontières de l'Etat d'Israël, le rythme de croissance en Judée et Samarie est le plus élevé depuis sept ans.
La tendance est claire. Dans peu de temps, le nombre de colons augmentera considérablement. Et il en sera de même de leur capacitéà bloquer toute tentative de diviser la région. S'il continue ainsi, le gouvernement Netanyahu-Lapid-Bennett mettra un terme à la solution à deux Etats, à l'entité juive et démocratique et au rêve sioniste. La question n'est pas celle de la paix. Il n'y aura pas de paix entre Israël et les Palestiniens au cours des prochaines années. Ni celle d'un retrait total et immédiat. Dans les années à venir, Israël ne pourra pas restituer la Cisjordanie aux Palestiniens de la même manière précipitée qu'il leur a rendu la Bande de Gaza. Il s'agit de survie. Israël arrêtera-t-il, à la dernière minute, de diriger des flots de colons vers les territoires occupés ? L'entreprise sioniste conservera-t-elle la possibilité de redevenir une entreprise morale ? L'Etat juif choisira-t-il la vie ou se dissoudra-t-il involontairement en raison d'une occupation qui devient éternelle ?
Les réponses sont, aujourd'hui, claires. Non, non et non. Le Likoud de Danny Danon préfère la Terre d'Israël à l'Etat d'Israël. Le Habayit Hayehudi de Naftali Bennett (La maison juive) est déterminéà noyer le foyer national juif dans les marécages du pourrissement colonial. Le Yesh Atid de Yair Lapid (Il y a un avenir) est en passe de devenir le parti de l'ambiguïté opportuniste, tournant le dos à l'avenir sioniste. Comme l'a déclaré la présidente du parti travailliste, Shelly Yacimovich, la semaine dernière à la Knesset, le camp nationaliste Travaillistes-Meretz-Kadima se retrouve maintenant dans l'opposition tandis que le gouvernement de droite-droite-droite est sur le point d'établir une réalité binationale qui sera irréparable.
Du point de vue des colons, tout va bien. Leur situation n'a jamais été aussi confortable. La communauté internationale intériorise lentement le fait que le problème fondamental au Moyen-Orient n'est pas le conflit israélo-palestinien mais la culture politique pathologique du monde arabe. Les Etats-Unis et l'Europe sont trop fatigués pour faire face à la détermination intense des héritiers du Gush Emunim. Israël peut vendre une application de navigation pour un milliard de dollars alors qu'il a perdu son chemin. À l'heure actuelle, il n'existe aucun pouvoir au sein d'Israël ni aucun pouvoir à l'extérieur capable de le forcer à se sauver de ses colons. Le ministre le plus important au sein du gouvernement – le ministre du Logement et de la Construction, Uri Ariel - peut maintenir le momentum du premier trimestre de l'année. Le gouvernement de l'absence d'avenir lui permettra de continuer à battre des records du point de vue de la colonisation de la Judée et de la Samarie. Tandis que 20 ministres s'occupent de toutes sortes de bêtises, le ministre du Logement est en train d'enterrer le sionisme dans les collines.
Ainsi, du point de vue d'Israël les choses ne sont pas bonnes. Elles ne sont pas bonnes du tout. Certes, il y aura bientôt un budget et bientôt il y aura un « partage du fardeau » et l'été sera beau. Les restaurants le long de la côte seront pleins ainsi que les boîtes de nuit et Tel-Aviv aussi vivante que toujours. Mais le fait que les Israéliens n'ont pas encore trouvé, en 2013, un parti politique sain qui les protège sainement des colonies signifie que, même s'ils font la fête, ils sont en train de mourir. Même s'ils gagnent, ils se suicident. Ce pays a, dans le passé, connu quelques suicides collectifs. Mais l'on n'y a jamais vu de suicide aussi spectaculaire, aussi doux et aussi inutile que le suicide tranquille qu'il est en train de commettre.
Traduction HL pour l'AFPS
Publié par Haaretz