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Le Hamas, entre pragmatisme et ambiguïté

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15 juin 2007 : accession du Hamas au pouvoir à Gaza.

Bien que la récon­ci­liation avec le Fatah tarde à se concré­tiser, le Hamas s'est rap­proché du pré­sident Mahmoud Abbas. Il main­tient une fragile trêve avec Israël et prend ses dis­tances avec le régime syrien

Les membres des forces de sécurité du Hamas lors d'une céré­monie, le 27 décembre 2011, dans la ville de Gaza. HATEM MOUSSA/​AP PHOTO

Le Hamas, qui s'apprête à célébrer le 5e anni­ver­saire de son accession au pouvoir à Gaza, a des motifs de satis­faction autant que d'inquiétude. En dépit de la dévas­ta­trice opé­ration " Plomb durci " menée par l'armée israé­lienne au cours de l'hiver 2008, il a pré­servé depuis une trêve pré­caire avec l'Etat juif, entre­coupée de sou­bre­sauts de vio­lence. On frise parfois un nouveau conflit de grande envergure, mais les deux parties, sachant ce qu'elles auraient à perdre, s'astreignent à une relative modération.

C'est par­ti­cu­liè­rement vrai pour le Mou­vement de la résis­tance isla­mique, qui reste le dos au mur en dépit de l'allégement du blocus israélien et de l'ouverture de la fron­tière avec l'Egypte à Rafah. Dans les deux cas, il s'agit d'une conquête fragile : l'avenir de la révo­lution égyp­tienne est aléa­toire. Et on ne peut exclure l'arrivée au pouvoir d'un pré­sident et d'un gou­ver­nement proches de l'ancien régime Mou­barak, qui, à l'instar de celui-​​ci, s'efforceraient de main­tenir un cordon sani­taire autour du foyer isla­miste de Gaza.

A contrario, une vic­toire du can­didat des Frères musulmans au Caire - le Hamas a été fondé, en décembre 1987, par des membres de la Confrérie - repré­sen­terait un for­mi­dable avantage poli­tique et stra­té­gique pour le gou­ver­nement de la bande de Gaza, en même temps qu'une très mau­vaise nou­velle pour Israël, surtout à un moment où les pré­oc­cu­pa­tions de l'Etat juif se concentrent sur la menace iranienne.

L'opération " Plomb durci " a été un demi-​​échec : son objectif, qui était de sup­primer la menace en pro­ve­nance de Gaza pesant sur les com­mu­nautés du sud d'Israël, n'a pas été atteint, même si les chefs de Tsahal peuvent se targuer d'avoir rétabli une cer­taine dis­suasion vis-​​à-​​vis des groupes armés de Gaza : les roquettes ne tombent plus que de façon épiso­dique sur le sud d'Israël.

Le premier ministre israélien, Benyamin Néta­nyahou, menace d'" extirper la pré­sence ira­nienne " de Gaza, mais, dans les faits, le statu quo perdure, avec quelques vic­toires poli­tiques pour le Mou­vement de la résis­tance isla­mique. La plus sym­bo­lique reste la libé­ration du soldat israélien Gilad Shalit, en octobre 2011, en échange de celle de près d'un millier de pri­son­niers palestiniens.

Renforcement militaire

De son côté, le Hamas profite de cette hudna (" trêve ") qui ne dit pas son nom pour pour­suivre le ren­for­cement de son potentiel mili­taire. Selon Yoram Cohen, chef du Shin Beth (le ren­sei­gnement inté­rieur israélien), il dis­po­serait de plus de 8 000 roquettes de courte et moyenne portée (per­mettant sans doute d'atteindre Tel-​​Aviv) et de 15 000 com­bat­tants. Israël n'a aucun doute sur sa propre supé­riorité mili­taire, mais les choses pour­raient se com­pliquer si une alliance poli­tique et stra­té­gique se nouait entre le gou­ver­nement (à Gaza) du premier ministre du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et un pouvoir isla­miste au Caire.

L'autre incer­titude est la récon­ci­liation pales­ti­nienne. Offi­ciel­lement enté­rinée, le 27 avril 2011, par un accord entre le Hamas et le Fatah, prin­cipal parti de l'Autorité pales­ti­nienne, elle tarde à se concré­tiser sous la forme d'un gou­ver­nement d'unité nationale et par l'organisation d'élections géné­rales en Cis­jor­danie et à Gaza.

Si l'Autorité pales­ti­nienne devait com­porter des ministres du Hamas et que celui-​​ci fasse son entrée au sein de l'Organisation de libé­ration de la Palestine (OLP), nul doute qu'Israël consi­dé­rerait un tel déve­lop­pement comme une pro­vo­cation inac­cep­table, jus­ti­fiant une sanction. Bien des condi­tions devront cependant être réunies pour qu'un tel scé­nario se réalise : il est dif­ficile d'imaginer à ce stade des can­didats de chaque for­mation faisant cam­pagne au sein de l'entité ter­ri­to­riale contrôlée par la for­mation adverse, à plus forte raison la pré­sence réci­proque de forces de sécurité.

Si quelque 84 % des Pales­ti­niens sou­tiennent l'accord de récon­ci­liation, seuls 46 % d'entre eux croient à son appli­cation. Le Hamas a cependant fait preuve d'un prag­ma­tisme inusité pour se rap­procher de Mahmoud Abbas, pré­sident de l'Autorité pales­ti­nienne. Celui-​​ci est cependant ambigu, puisqu'une véri­table dyarchie s'est imposée au sein de la direction du Mou­vement de la résis­tance isla­mique, avec des approches très diver­gentes s'agissant des négo­cia­tions de paix avec Israël.

Distance avec Damas

Dans une large mesure, cette évolution a été dictée par le " prin­temps arabe ". Refusant de cau­tionner la san­glante répression du pré­sident Bachar Al-​​Assad contre l'opposition sunnite, le chef du bureau poli­tique du Hamas, Khaled Mes­chaal, a été obligé de quitter Damas, où il résidait depuis 2000 après avoir été expulsé de Jor­danie l'année pré­cé­dente. Il s'est établi à Doha, au Qatar, alors que son adjoint, Moussa Abou Marzouk, s'est ins­tallé au Caire. En prenant ses dis­tances avec le régime syrien, le Hamas a pro­voqué une dété­rio­ration de ses rela­tions avec l'Iran, un parrain pourtant incon­tour­nable sur les plans financier et militaire.

Sans doute est-​​ce en partie pour cette raison que Khaled Mes­chaal et la direction en exil du Hamas ont opéré un rap­pro­chement avec le Fatah de Mahmoud Abbas. Alors qu'il a incarné dans le passé une ligne intran­si­geante, M. Mes­chaal déclare désormais sou­tenir la création d'un Etat pales­tinien sur la base des fron­tières de 1967 et se dit prêt à adopter la stra­tégie d'une résis­tance non violente.

De son côté, sou­cieux de ne pas perdre le soutien de l'Iran, Ismaïl Haniyeh a réaf­firmé que le Hamas ne recon­naî­trait " jamais " Israël, tout en sou­li­gnant que la résis­tance armée est la seule manière de com­battre l'Etat juif. Paral­lè­lement, le premier ministre de Gaza a accentué son rap­pro­chement avec les auto­rités égyp­tiennes, qui s'efforcent, avec le Qatar, de favo­riser la récon­ci­liation pales­ti­nienne, voire de res­sus­citer le pro­cessus de paix avec les Israéliens.

Si la ligne poli­tique du Hamas reste très incer­taine, c'est notamment en raison de l'incertitude liée à son rap­pro­chement avec le Fatah, mais pas seulement : vouloir concilier de bonnes rela­tions avec l'Egypte, l'Iran et le petit (mais si riche) Qatar - lequel a toutes les raisons de craindre l'hégémonie de Téhéran - res­semble à une gageure.

Mais le premier défi que doit relever le Hamas est celui de sa cohé­rence interne. Dans le bras de fer qui l'a long­temps opposé à la direction en exil du Mou­vement de la résis­tance isla­mique, Ismaïl Haniyeh a marqué des points peut-​​être décisifs. S'il se livre volon­tiers à des rodo­mon­tades vis-​​à-​​vis d'Israël, en pra­tique, il fait tout pour tem­pérer l'ardeur guer­rière de groupes isla­mistes plus radicaux que lui.

Confronté à la sur­en­chère du Djihad isla­mique, le Hamas doit sans cesse réaf­firmer un atta­chement à la lutte armée devenu de moins en moins probant. Sans des­serrer, d'autre part, son emprise poli­tique sur les 1,7 million d'habitants du ter­ri­toire, le gou­ver­nement Haniyeh se montre sou­cieux d'améliorer son image au sein de la com­mu­nauté internationale.

Dans ce contexte, la popu­lation de l'étroite bande de terre profite d'une relative embellie écono­mique (grâce notamment à la mul­ti­pli­cation des échanges avec l'Egypte), mais aussi d'un timide " prin­temps arabe " s'agissant de l'application de la loi isla­mique. Ce sont deux avancées qui sont bonnes à prendre pour des Gazaouis qui savent d'expérience que leurs projets ne peuvent être qu'à court terme.

Publié par Le Monde


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